La prévention spécialisée est née de l’ordonnance du 2 Février 1945 relative à l’enfance délinquante. Les pouvoirs publics reconnaissent la nécessité de développer des pratiques éducatives nouvelles, pour compléter les formes institutionnelles de prises en charge des mineurs délinquants ou en danger. Ainsi, les pionniers, souvent des bénévoles isolés issus des mouvements d’éducation populaire " prennent en charge dans les villes ceux des jeunes délinquants et prédélinquants que les établissements dits de rééducation, fermés et isolés, ne parviennent pas à contenir ou à accueillir"[1].
La fin des années 1950 va correspondre au développement des politiques dédiées aux jeunes ainsi les mouvements d’éducation populaire vont être soutenus, le développement des MJC en est un révélateur. " Si le secteur de l’enfance inadaptée s’est structuré durant la période de Vichy, le développement des politiques de la jeunesse et du champ professionnel qui leur est lié se fait à partir des années 60 dans la période de l’État Providence face au phénomène de « la montée des jeunes" et du développement des " blousons noirs "[2]. Durant cette période, les acteurs se regroupent et commencent à définir des principes communs[3] et les premiers professionnels sont recrutés pour assurer une action pérenne auprès de jeunes et de leurs milieux. La prévention spécialisée est reconnue dès lors comme un maillon manquant de l’Action Sociale.
Cette étape marque son passage de l’action d’éducation populaire vers une action inscrite dans le cadre d’une mission de l’état confiée à des associations. La prévention spécialisée se veut être une forme originale d’action éducative développée auprès des jeunes dans leur milieu de vie. L’arrêté du 7 Janvier 1959, sur "l’enfance en danger" amène les premiers financements et le 14 Mai 1963, un arrêté de G. Pompidou, alors premier ministre, crée le Comité National des Clubs et Équipes contre l’Inadaptation Sociale de la Jeunesse. Cette instance est chargée de recenser les expériences et de dégager une méthodologie d’une action éducative "non nominative, libre et sans mandat".
L’arrêté interministériel du 4 juillet 1972[4] et ces circulaires d’application vont permettre le développement de la prévention spécialisée en lui donnant un cadre règlementaire. Cet arrêté valide la pertinence des fondements théoriques et méthodologiques des démarches conduites par les réseaux d’acteurs. Ainsi, il définit les missions des clubs et équipes de prévention, les modalités d’agrément, les modes de collaboration avec les autres services sociaux et les modalités de financement assuré par le budget de l’Aide sociale à l’Enfance. En outre, il crée le Conseil Technique des Clubs et Équipe de Prévention Spécialisée (C.T.P.S). Cette instance consultative nationale a pour vocation de réunir les différents acteurs (élus, éducateurs, représentants des administrations, …) afin de faire remonter les difficultés des jeunes et des pratiques de terrain, mais aussi de faire des préconisations quant à la prévention de l’inadaptation de la jeunesse[5].
Ainsi, elle devient un dispositif des politiques publiques en matière d’action sociale qui en 1983, au travers de la loi de décentralisation, est transféré de l’État vers les collectivités territoriales. Ces évolutions qui s’inscrivent dans un contexte de territorialisation de l’action sociale font de la Prévention Spécialisée un outil de l’action publique.
La prévention spécialisée est alors intégrée à la politique d’action sociale de l’enfance et de la famille, compétence dédiée aux départements. Ainsi, la loi du 6 Janvier 1986 adapte la législation et inscrit la prévention spécialisée au travers de l’article 45 du code la famille et de l’aide sociale(C.A.S.F), dans le cadre de la mission du département qui consiste à "exercer dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale, des actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles."[6]. Le territoire est clairement son champ d’intervention.
Pour la mise en œuvre de ces actions, l’article 121-2 permet aux présidents des Conseils Généraux de déléguer cette mission à des organismes publics ou privés. Dans le département du Nord, les pouvoirs publiques vont confier à des associations cette mission de service public. Le support associatif apparaît le mieux adapté aux exigences de souplesse etbd’adaptabilité de l’action éducative de la prévention Spécialisée.
Aujourd’hui, Chargées par les Départements de la mise en œuvre de cette mission, les associations ont à transformer la commande qui leur est passée en projet d’action inscrit dans un territoire et un système institutionnel particulier. Ce statut permet à la prévention spécialisée de ne pas apparaître semblable aux institutions que les jeunes rejettent. A travers la contractualisation, elle a une mission de service public, mais sa particularité lui permet selon le C.T.P.S d’ "exercer fondamentalement une fonction de lien social, de solidarité et de proximité, de révélateur de nouveaux enjeux collectifs pour contribuer activement à la lutte contre la marginalisation et au renforcement de la cohésion sociale"[7].
Ainsi, dans le Nord, les associations et services de prévention spécialisée font alors l’objet d’agréments départementaux pour mettre en œuvre cette mission. Ce mode de contractualisation est passé du simple agrément associatif au Contrat d’Objectif Concerté qui engage l’association à fournir une prestation en fonction des enjeux du territoire d’implantation. Cette démarche engage chacun des protagonistes, le Conseil Général, la commune et l’association de Prévention Spécialisée à préciser pour 5 ans son rôle dans la réalisation de la mission.
La loi du 2 Janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale,vient préciser et renforcer, à sa demande, la place de la prévention spécialisée. J-Y. Barreyre et B. Bouquet évoquent que : "L’intégration de la prévention spécialisée dans la loi du 2 janvier 2002, en reconnaissant la particularité des outils qu’elle met en œuvre pour le respect du droit des usagers, en affermit les finalités éducatives et le socledéontologique et méthodologique.»[8].
Elle devient une véritable mission intégrée à l’aide sociale à l’enfance[9].
La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance inscrit tous les acteurs sociaux engagés sur la prévention à se mettre au service de la politique de protection de l’enfance. Elle "donne à la prévention une dimension multiple susceptible de mieux prendre en compte les aspects médicaux, médico-sociaux, sociaux et éducatifs du quotidien d’un enfant, mais également de celui de ses parents. Cela suppose la mise en synergie de compétences professionnelles diverses visant à la réalisation d’actions de prévention variées et bien articulées entre elles[10]". La prévention spécialisée est depuis, un outil à part entière de la politique de protection de l’enfance et ces Principes et méthodes d'intervention revendiqués par les associations et ces professionnels, restent reconnus [11]
Notre association est missionnée par le Conseil départemental du Nord pour réaliser sur Fourmies et les quartiers Nord et Ouest de Roubaix.
[1] Brochure du C.T.P.S, La prévention spécialisée, une démarche engagée, Mai 1998.
[2] Tourrilhes C., Construction sociale d’une jeunesse en difficulté, L’Harmattan, Paris, 2008, page 58.
[3] Rapport du groupe de travail interinstitutionnel sur la prévention spécialisée, La Prévention Spécialisée enjeux actuels et stratégies d’action, janvier 2004, page 10.
[4] Arrêté interministériel du 04 Juillet 1972, "relatif aux clubs et équipes de prévention spécialisée".
[5] BARREYRE J-Y., BOUQUET B., Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, Bayard, octobre 2007, page 447.
[6] Code de l’action sociale et des familles, Article L.121- 2.
[7] Op. cit.74, page 15.
[8] BARREYRE J-Y., BOUQUET B., Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, Edition Travail social, Bayard, octobre 2007.
[9] Ordonnance n°2005-1477 du 1er décembre 2005.
[10] http://www.reforme-enfance.fr/images/documents/guideprevention.pdf, consulté le 25 Avril 2013.
[11] Conseil Général du Nord, Agir en prévention, quelles coordinations dans l’intérêt des jeunes et de leur famille, 11.2010, page 6 et 7.